Assurance emprunteur : Attention à la déchéance du terme ! (Analyse)

Mardi 9 février 2021

Article de Maître Domitille FLAGEUL, Avocate

Assurés gardez l’œil : une banque peut obtenir le recouvrement forcé des sommes prêtées malgré le paiement de la garantie de l’assureur dès lors que la déchéance du prêt est acquise. Une analyse de Domitille Flageul, avocat à la Cour, Choisez&Associés.

Dans cette affaire, favorable à l’établissement prêteur, la Cour de cassation (12 novembre 2020 n°19-16.964) a jugé qu’une banque pouvait procéder à une saisie sur comptes lorsqu’un assureur a mobilisé sa garantie postérieurement à la déchéance du terme du prêt.

Les faits sont les suivants : Une banque a consenti deux prêts immobiliers à un couple d’emprunteurs le 06 juillet 2007 par acte authentique.

A la suite d’échéances impayées et du refus de l’assureur du conjoint placé en longue maladie de couvrir les risques de décès et d’invalidité, la banque a procédé à une saisie attribution sur les comptes des emprunteurs le 28 août 2013 après s’être prévalue de la déchéance du terme le 10 juin 2013.

Le 4 octobre 2013, soit postérieurement à la déchéance du terme, l’assureur a finalement reconsidéré sa position et a accepté la mise en jeu de sa garantie en servant le montant des échéances de prêt impayées entre les mains de l’établissement bancaire.

Les emprunteurs ont alors fait valoir que leur assureur, ayant régularisé rétroactivement les échéances impayées, la déchéance du terme avait été prononcée à tort et devait être rendue caduque.

Selon eux, les versements réalisés par la société d’assurance ne constituaient pas des versements venant en déduction des sommes dues après déchéance du terme mais le règlement rétroactif des mensualités antérieures.

Par arrêt du 21 mars 2019, la Cour d’appel de Dijon (n° 17/00439) a débouté le couple rappelant le caractère tardif de la prise en charge : « les versements effectués ultérieurement par la compagnie d’assurance n’avaient pas pu avoir pour effet de remettre en cause l’exigibilité résultant de la déchéance du terme prononcée le 10 juin 2013 ».

Au soutien de leurs pourvois, les emprunteurs soulevaient que le règlement des échéances impayées par l’assureur rendait caduque la déchéance du terme.

Telle n’a pas été la vision de la Première Chambre qui a confirmé l’arrêt d’appel et rejeté le pourvoi des emprunteurs aux motifs que « le règlement des sommes correspondant au montant des échéances impayées d’un prêt ayant conduit la banque à prononcer la déchéance du terme, effectué postérieurement à celle-ci par l’assureur de l’emprunteur, ne peut, sauf stipulations contractuelles expresses, entrainer la caducité de cette déchéance ».

En l’espèce, aucune disposition contractuelle spécifique du contrat d’assurance emprunteur ne venait soulever la caducité de la déchéance du terme en cas de paiement a posteriori.

Bien au contraire, l’article 5 des dispositions générales prévoyaient spécifiquement que les régularisations postérieures à ladite déchéance du terme ne faisaient pas obstacle à l’exigibilité de celle-ci.

Les versements effectués postérieurement par une compagnie d’assurance n’ont donc pas pour effet de remettre en cause l’exigibilité résultant de la déchéance du terme.

Par cette décision, la Cour de cassation s’est attelée à rappeler le principe même de l’assurance emprunteur : une convention tripartite fondée sur deux rapports d’obligation (assureur/assuré et banque/emprunteur) qui a pour objet de garantir l’établissement bancaire prêteur contre les risques liés aux emprunteurs.

La banque, en qualité d’unique créancier au contrat de prêt, est bénéficiaire du contrat d’assurance emprunteur, indépendamment de la position de l’assureur.

Alors, emprunter oui, mais avec prudence et précaution !

L’assuré aurait été sans doute plus habile à rechercher la responsabilité civile de l’assureur pour sa gestion évolutive du sinistre…